Après trois ans d’absences en Espagne et dans le midi de la France, son tempérament nordique affrontant les couleurs du sud, un peintre-ouvrier flamand, un peintre-poète, est revenu à Paris, « pour y voir, dit-il, ce qu’on y fait et non pour y faire ce qu’on y voit », nous apportant ainsi un ensemble personnel d’une belle unité.
Y a-t-il exprimé tout entier son tempérament volubile, intensément passionné, traversé d’angoisse et de nostalgie? Y a-t-il projeté ses souvenirs de plaines flamandes sous les saisons dormeuses, les climats amortis soudain agités de tempêtes, les terres fertiles aux couleurs sombres, les villes pittoresques aux visages ambigus, les mines de charbon dévorées de labeur, les usines massives entourées de vieux murs de style Van Gogh, de style Verhaeren, ou l’atmosphère indécise où flotte encore l’ombre rêveuse de Rodenbach, les exubérances des fêtes populaires, les danses truculentes du folkore, et ses longues solitudes d’enfant sans amour, l’adolescent perdu, toujours poussé par son idéal et sa riche nature? Tout cet univers enfin transporté, non décrit, dans sa peinture.
Soit qu’il se confie en ses poèmes, d’une écriture spontanée, soit qu’il se projette en ses surfaces brûlées, collées superposées, râpées et cependant toutes nuances avec sobriété, dans ses reliefs sans excès coupés à angles droits, dans ses brasiers rougeoyants, ses minerais calcinés, ses foyers obscurs, ses masses polies, chauffant comme des plaques de fours, il ne nous livre pas tous les secrets qui l’inspirent. Un vaste inconscient lui demeure en puissance, au fond de son désir. Mais son oeuvre est là, riche d’existence: il suffit de la contempler pour l’aimer.