Né le 14 septembre 1914 à Halle en Belgique, Guillaume Leunens comme ses frères et sœurs sont retirés du foyer familial par les services sociaux pour cause de négligence parentale. Les enfants sont placés dans des orphelinats, chez les frères catholiques pour les garçons et chez les religieuses pour les filles. À 16 ans, Guillaume s’enfuit des frères et trouve refuge chez sa tante maternelle. Dès lors, il commence à travailler dans une fonderie : sa première rencontre avec le métal. Lors de ses temps libres, lorsqu’il a du papier et des crayons, l’envie irrésistible de dessiner l’habite et ce, depuis son enfance.
En 1939, la deuxième guerre mondiale éclate et l’Allemagne déclare la guerre à la Belgique. Envoyé au front dans l’armée Belge à la frontière allemande, il perd son meilleur ami à ses côtés d’une manière atroce. L’image de ce dernier, la tête arrachée, le poursuit jusqu’à la fin de ses jours. Après que la Belgique ait abdiqué, il est capturé et envoyé dans un camp pour travailler dans une fonderie. Le soir, il dessine sur tout ce qu’il déniche pour se changer les idées. À la suite du bombardement de la fonderie par les alliés, il est transféré dans un autre camp en Autriche.
À son retour de la guerre, les horreurs et les souvenirs de corps morts mutilés qu’il ramassait jour après jour le hantaient et l’avaient profondément transformé. Jamais plus il ne travaillera dans une fonderie : « J’en ai assez coulées des bombes pour les Allemands. » Il commence à peindre et, bien qu’il soit surtout autodidacte, il suit des cours du soir à l’École des Beaux-Arts de Bruxelles. Son inspiration lui vient à la tombée de la nuit, là où le calme règne.
Une fois son esprit rassasié, il rentre et peint jusqu’aux petites heures du matin. Sa vie de peintre nocturne ne l’empêche pas de travailler à la même chocolaterie que son épouse. Le salaire étant beaucoup moindre que dans une fonderie, il peine à payer les toiles et la peinture pour ses œuvres. Il opte alors pour le jute, l’aggloméré, le carton et divers matériaux récupérés pour peindre.
À cette époque, il vend sa première œuvre, la Vierge Marie avec l’enfant Jésus dans ses bras, pour 500 francs belge. Cette vente lui insuffle le feu sacré de la peinture et le pousse à poursuivre sa carrière. Le dimanche, il peint seul à la campagne, puis avec différents artistes locaux. Ses peintures sont essentiellement de vieilles fermes et des paysages.
Il expose quelques fois par année dans les clubs d’artistes. Dans l’une de ses expositions, il rencontre Magritte avec qui il se lie d’amitié pendant quelques années. Il aime expérimenter, du figuratif à l’abstrait en passant par le surréalisme. Parmi ses influences, notons Permeke, Breughel, Picasso et Van Gogh. La critique est élogieuse et Leunens est en demande dans les galeries d’art. Parti de l’expressionnisme flamand, il évolue vers l’art abstrait et sa rencontre avec Servranckx lui permet de découvrir sa propre voie.
Il obtient une bourse d’études du gouvernement belge en 1957 pour étudier les techniques artistiques espagnoles à Majorca. Il rencontre alors une riche bourgeoise française qu’il épousera après le divorce de son premier mariage. Grâce à sa nouvelle épouse, il consacre tout son temps à l’art.
En 1958, Guillaume Leunens s’arrache à la vision de la nature. On le remarque alors saisir l’essence même de l’absence de lumière. Dans de nombreuses expériences réalisées au moyen de la peinture, de fer chauffé et d’aluminium, de verre ou de cuivre et même avec des ingrédients comme l’encre, la cire, des grains de café écrasés, il étale des surfaces foncées et pourtant vibrantes, dont l’aspect sombre est rendu encore plus enigmatique par des lignes claires ou des points colorés. Dans ses meilleures productions, Guillaume Leunens parvient déjà à évoquer sa fascination pour la nuit totale.
En 1960, il commence à travailler sur du métal, étant convaincu que notre époque recquiert des moyens picturaux propres. Il transpose alors ses peintures sur du métal, matériau qu’il connaît depuis sa jeunesse. Des plaques d’aluminium reçoivent ses formes géométriques primitives, des cercles, des carrés distendus, des rectangles de travers, des diagonales, des lignes parallèles, des transversales, des carreaux, des trapèzes en perspectives, des cônes tronqués et raccourcis. Elles révèlent une essence poétique; malgré la géométrie apparamment sèche, elles confèrent à l’aluminium prosaïque une forte dose de chaleur humaine.
Il entreprend ensuite de nombreux voyages en Europe, aux Etats-Unis et au Canada. Il participe à l’exposition universelle de Montréal au Canada pour représenter la France. Ses œuvres se retrouvent dans les collections publiques de 8 pays et il expose dans une dizaine d’autres. À la fin de sa vie, il se retire de la vie artistique. Il cesse d’exposer et peint seulement pour le plaisir, surtout des grattés de son petit village à Gras. Il préfère passer son temps dans sa partie d’un vieux château de l’Ardèche en France où il s’occupe de son jardin de fleurs et écrit des poèmes dans sa langue maternelle le flamand. Il décède en 1990. Guillaume Leunens était un Flamand de naissance et de cœur, il n’a jamais renié sa Patrie même s’il s’était exilé en France.